Girard d'Athée
par André Salmon Société Archéologique de Touraine 1861 Mémoire XIII p193 Nous sommes forcés de nous borner à de simples conjectures sur l'époque de la naissance de Girard d'Athée, sur l'origine de sa famille, enfin sur toute cette première partie de la vie qui précède la maturité de l'âge. Cette disette absolue de documents est très regrettable; cependant la connaissance que nous avons de la haute position qu'il occupa par la suite, soit en France, soit en Angleterre, l'inflexibilité des lois féodales, et la fierté proverbiale de la noblesse anglaise, justifient pleinement le système adopté par Mr Lambron, et condamnent en même temps l'assertion calomnieuse de Guillaume le Breton, qui déclare entaché de servitude Girard d'Athée, parce qu'il fut le serviteur fidèle, le capitaine intrépide de Jean Sans Terre, l'adversaire souvent heureux de Philippe-Auguste, dont il chante les exploits dans ses vers empreints de flatterie. Les documents qui vont suivre permettent de supposer que Girard d'Athée était dans la maturité de l'âge au commencement du XIIIème siècle, et qu'il naquit par conséquent entre les années 1150 et 1160. Il est encore plus présumable que, possesseur d'une seigneurie sise à Athée, et relevant du château d'Amboise, il y a pris naissance et son nom suivant l'usage du XIème siècle. Un titre tiré du Cartulaire de la Chartreuse du Liget, fait connaître une saulaie située dans la paroisse de Saint-Denis d'Amboise et qui portait encore en 1305 son nom, parce qu'elle lui avait appartenu. Le 12 août 1198, Girard d'Athée parait comme témoin dans deux chartes données à Angers et émanées de Richard Coeur-de-Lion ; il fait partie des chevaliers qui sont à la cour du comte d'Anjou et de Touraine, son légitime suzerain. Il sera dès lors toujours fidèle à cette bannière, la soutenir de sa vaillante épée soit en défendant son pays natal de l'invasion de Philippe-Auguste, soit en protégeant plus tard le roi d'Angleterre, son bienfaiteur, contre l'interdit de la cour de Rome, la défection de ses sujets et les descentes des ennemis en Angleterre.
Lorsque Richard Coeur-de-Lion eut succombé le 6 avril 1199 à la
blessure qu'il reçut au siège du château de Chalus, deux compétiteurs se présentèrent
pour se disputer son riche héritage, Arthur de Bretagne et Jean Sans Terre. Celui-ci n'était que le cinquième
fils du roi Henri II, mais il avait pour lui l'autorité de l'âge et la volonté du dernier roi exprimée
à son lit de mort et le serment qu'il exigea de la noblesse qui l'entourait à cet instant suprême de servir fidèlement son frère. Retour à l'accueil Haut de page Arthur de Bretagne, dont le père, Geffroi, était le quatrième fils de Henri II, se trouvait ainsi plus proche héritier que Jean Sans Terre; cependant sa très grande jeunesse, l'aversion constante que Richard ressentit contre Arthur et dont il lui donnait une dernière preuve, en le déshéritant illégalement, au profit de Jean Sans Terre, élevèrent contre lui des obstacles qu'accrurent encore et les intérêts divers des seigneurs qui embrassèrent l'un ou l'autre parti, et la répulsion instinctive des races anglaise et française, lorsque l'un eut été couronné roi à Londres, tandis que l'autre se jetait entre les bras de Philippe-Auguste. Telle fut l'origine de la guerre civile engagée entre l'oncle et le neveu. Fidèle serviteur de Richard Coeur-de-Lion, Girard d'Athée ne balança pas un instant à suivre les dernières volontés de son suzerain et à s'attacher au parti de Jean Sans Terre. Aussi le voit-on paraître dès l'origine du conflit, et parcourir la Touraine en 1199 (La Grande Chronique de Touraine donne pour date de cet évènement l'année 1200, mais par erreur puisqu'il suivit immédiatement la mort du roi Richard avec Robert de Tourneham afin de ravitailler Loches, Chinon et les principales forteresses du pays, pour le roi d'Angleterre. On doit ranger au nombre des tables patronnées par Chalmel, la prise en l'an 1199 du château de Chinon malgré la faible défense de Girard d'Athée. La grande chronique de Tours est le seul document qui parle de Chinon à cette date, mais pour en indiquer le ravitaillement par Robert de Tourneham et Girard d`Athée, au profit de Jean Sans Terre et non la prise par Arthur de Bretagne. Ce fut probablement pendant la courte trêve qui eut lieu à la suite de l'entrevue des deux rois près de Saint-Jean-d'Angély, en mars 1201, qu'il faut placer l'accord fait par devant Jean Lemozine et Girard d'Athée, lieutenants de Robert de Tourneham, sénéchal de Touraine, pour Jean Sans Terre, et qui fut ratifié par Guillaume des Roches, sénéchal d'Anjou, de Touraine et du Maine, nommé par Arthur de Bretagne aussitôt après la mort de Richard. L'inféodation de la dignité héréditaire de sénéchal des trois provinces n'empêcha pas qu'il n'y eût des sénéchaux particuliers pour chaque pays, et l'on conçoit facilement combien, dans ces temps de guerre, chacun des compétiteurs tenait à confier ce poste important à un homme de la capacité et de la fidélité duquel il fût sûr. Robert de Tourneham prend ici le titre de sénéchal, sans la désignation du pays soumis à sa juridiction; mais il ne peut y avoir le moindre doute; le lieu du jugement, les parties et l'objet de la contestation appartiennent tous à la Touraine. Retour à l'accueil Haut de page Cependant les événements marchent, la guerre se déclare de nouveau, plus acharnée que jamais, entre l'oncle et le neveu, qui après la prise de l'importante place de Mirebeau, se laisse surprendre au milieu de son triomphe, et est fait prisonnier par Jean Sans Terre le 1er août 1202. Quatre jours après cet éclatant fait d'armes, par lettres patentes datées de Chinon, le roi d'Angleterre mande au sénéchal d'Anjou de mettre entre les mains de Girard d'Athée la terre de Guillaume de Pressigny, pour la prendre sous sa garde et la conserver au roi; quant à ses forteresses, elles devront être rasées. Enfin, il laissera Girard saisir ceux qui ont rompu le ban du roi Jean, partout où il les trouvera, les retenir et les mettre à rançon pour l'avantage commun du roi et du sénéchal. Guillaume était possesseur des deux seigneuries de Sainte-Maure et de Pressigny; le roi ordonne de raser ces deux places fortes et de retenir les domaines entre ses mains jusqu'à la soumission de son vassal rebelle. Mais Guillaume des Roches grand sénéchal d'Anjou, dont l'humeur inconstante lui avait fait servir tour à tour Arthur de Bretagne et Jean Sans Terre, ayant de nouveau abandonné le parti du roi d'Angleterre, celui-ci crut pouvoir donner un contrepoids suffisant à la haute influence que lui donnaient son origine, ses dignités et ses richesses, en élevant au poste de sénéchal de Touraine Girard d'Athée. C'était la charge la plus élevée dont la confiance du comte de Touraine pouvait investir un de ses sujets, et elle fut ici la juste récompense d'éclatants services civils et militaires, auxquels venait se joindre certainement une naissance noble, sinon illustre. Car le mérite, quelque grand qu'il eut été, et la faveur du souverain n'eussent pu surmonter les barrières que lui eussent opposées les coutumes féodales du XIIIème siècle. Pour commander à des chevaliers, et à plus forte raison à toute une province, il fallait être de race noble. C'est le 1er septembre, quelques jours après sa nomination, que Jean Sans Terre confie au nouveau sénéchal de Touraine la garde de la ville de Tours, dont il vient de s'emparer ainsi que de Châteauneuf. Guillaume le breton rejette, à tort, sur Girard le pillage de Tours, d'Amboise et du pays qui les avoisine. Le texte de la Grande Chronique est très précis à ce sujet. Ce sont les Cottereaux, qui sous la conduite de Martin Algai, mettent la ville de Châteauneuf au pillage, tuent les habitants ou les font prisonniers pour exercer sur eux des cruautés inouïes; puis dépouillant et saccageant les églises, crachant sur les images vénérées des saints, ils couronnent tous leurs forfaits par l'incendie général de la ville. Ce n'est que deux jours après ces scènes de désolation, racontées par un témoin oculaire, que la garde du château de Tours est confiée à Girard d'Athée. Le pillage des environs de Tours et d'Amboise fut la conséquence la guerre. Ce fut, en effet, vers la Toussaint de cette même année, que Sulpice d'Amboise, allié au parti du roi de France, vint à la tête d'un gros corps d'armée incendier la ville de Tours, sans pouvoir cependant s'emparer du château où commandait d'Athée. Châteauneuf dévasté entièrement n'opposa aucune résistance, et Sulpice put placer dans son enceinte à peu près déserte une forte garnison destinée à surveiller celle de Tours et à protéger le pays environnant. Retour à l'accueil Haut de page L'hiver entier se passa dans de fréquentes escarmouches, qui, sans avoir de grands résultats, ne faisaient que ruiner davantage la contrée. Girard d'Athée semble cependant y avoir emporté quelque avantage marqué, car il reçoit du roi Jean Sans Terre un mandement de lui envoyer à Chinon 2 500 fr. de monnaie angevine sur les rançons des prisonniers qu'il a faits, se contentant cependant d'une somme moins considérable, si le chiffre des rançons n'est pas aussi élevé. Ces lettres sont datées de Chinon, du 4 décembre 1202. Les lettres patentes de Jean Sans Terre, expédiées du Mans le 23 janvier 1203, sont très intéressantes pour l'histoire d'une des grandes seigneuries de la Touraine. Le roi d'Angleterre envoie l'ordre à Girard de l'Étang, Jean de l'Étang; Chalon de la Roche et autres chevaliers qui gardaient le château de la Guerche, de remettre cette forteresse entre les mains de celui que désigneront Girard d'Athée et Eschivard de Preuilly. La fidélité de son service sera garantie par une caution, et il devra empêcher le comte de Séez et sa femme d'exercer aucune autorité dans le château, tant que le comte sera en guerre avec le roi, mais il était alors, comme on le voit, dans le parti de Philippe Auguste. Du reste, Jean Sans Terre ne semble point avoir confisqué sa seigneurie ni ses revenus, il se contente d'occuper par une garnison son château et d'empêcher celui qu'il reconnaît pour le légitime possesseur d'en user contre lui. La modération du roi en cette circonstance reçut sa récompense, car Robert d'Alençon se montre l'année suivante un de ses plus zélés partisans, dans la défense opiniâtre que fit la ville de Rouen contre Philippe-Auguste. Le 13 février 1203 le roi d'Angleterre signale sa libéralité envers les Chartreux du Liget par une aumône de 20 livres de monnaie angevine, qu'il leur transmet par l'entremise de Girard d'Athée pour la réparation de leur église : celle-ci avait sans doute subi quelque dévastation dans une de ses rencontres qui devaient être si fréquentes dans un pays couvert de châteaux, dont les seigneurs ont été très divisés d'opinion dans cette dernière lutte entre les rois de France et d`Angleterre. Geoffroy de Palluau, seigneur de Montrésor, tenait en effet pour le roi de France, et sa petite troupe dut plus d'une fois se livrer à de vives escarmouches avec la garnison de Loches, qui était au pouvoir de Jean Sans Terre. Une lettre patente du 31 mars 1203, mande aux chevaliers auxquels était confiée la garde du château de la Guerche, de le remettre entre les mains de Girard d`Athée. Le vicomte de Châteaudun avait été en effet fait prisonnier, mais Jean Sans Terre le rachètera prochainement et le récompensera de ses loyaux services. Je n`ai fait que traduire le texte de cette lettre, mais en le rapprochant de celui du 23 janvier, il est facile d'en tirer des conclusions qui ne sont point sans quelque importance pour l'histoire de cette guerre, quoiqu'elles touchent encore de plus près la monographie du château de la Guerche. On y voit en effet que Hugues V, vicomte de Châteaudun, est celui auquel Girard d'Athée et Eschivard de Preuilly ont confié la garde du château de la Guerche, d'après le pouvoir qui leur était concédé le 23 janvier 1203. Et la raison de leur choix sera palpable pour tout le monde, lorsqu'on saura que Hugues V de Châteaudun avait épousé la seconde fille de Josbert de la Guerche. Nous sommes heureux d'enregistrer ici un nouveau témoignage de l'esprit d'équité avec lequel Girard d'Athée exerçait la haute fonction de sénéchal de Touraine. La conduite de Jean Sans Terre n'est pas moins habile, il a soin de faire savoir avec quelle sollicitude il s'occupe du sort de ses partisans, les rachetant à grands frais des mains des ennemis et s'engageant à récompenser dignement leurs services. Retour à l'accueil Haut de page Je veux parler de l'assassinat d'Arthur de Bretagne par son oncle Jean Sans-Terre, crime affreux et impolitique, dont son peuple et ses successeurs doivent lui demander un compte terrible. Jusque-là en effet, s'appuyant sur le testament de son frère Richard et sur le serment de fidélité juré par les grands vassaux devant le lit de mort du valeureux Richard, se prévalant même de l'investiture des comtés d'Anjou, de Touraine et du Maine qui lui est donnée par Philippe-Auguste, en l'an 1201, à la suite du traité de Saint-Jean-d'Angély, Jean Sans Terre pouvait être reconnu par les grands seigneurs des vastes pays soumis à sa domination comme l'héritier légitime de Richard Coeur-de-Lion, et surtout comme celui qui pouvait le mieux les défendre contre les attaques réitérées de Philippe-Auguste. Après son crime, tout change, un long cri d'indignation se fait entendre, les états généraux de Bretagne implorent de Philippe-Auguste justice et vengeance. Jean Sans Terre est cité, comme grand vassal de la couronne de France, à comparaître devant la cour des pairs, et condamné comme contumace à la peine de mort et à la confiscation de tous les domaines qu'il possédait en France, au profit de Philippe-Auguste. Le crime dont se rendit coupable son suzerain ne sembla point à Girard d'Athée une raison pour le délier du serment de fidélité qu'il lui avait promise: Girard n'abandonna jamais la cause de son bienfaiteur dans la bonne comme dans la mauvaise fortune, sur le sol natal comme dans la terre d'exil. Du reste Jean Sans Terre savait qu'il pouvait compter sur la fidélité du sénéchal de Touraine et lui mandait par une lettre postérieure de quatre jours à l'assassinat de son neveu, qu'il pouvait faire l'échange de prisonniers dont Girard d'Athée lui avait écrit. Quelques mois après, le 5 août 1203, Jean Sans Terre, ayant promis à un de ses sergents une rente pour le récompenser de ses services, envoie un mandement à Girard d'Athée afin qu'il l'assigne sur la seigneurie de Loches. Les deux lettres patentes du 8 août 1203 sont bien plus importantes, elles nous font connaître les principaux seigneurs de Touraine qui restèrent attachés à la fortune de Jean Sans Terre, même après son crime. Par la première le roi donne pouvoir à Girard de mettre en liberté Geoffroi de Palluau, s'il le juge convenable, après avoir toutefois obtenu garantie de sa fidélité par des otages, des sergents et la remise du château de Montrésor, selon l'accord convenu entre eux et dont il lui a parlé dans ses lettres. Jean Sans Terre prescrit en outre au sénéchal de Touraine de raser le château de Montrésor, aussitôt qu'il sera en son pouvoir, ainsi que tous les autres châteaux dont il s'emparera sur ses ennemis, excepté celui de Loches ou les autres châteaux royaux de Touraine qui sont entre ses mains. La seconde lettre du roi est adressée à Geoffroy de Palluau et lui fait savoir que c'est aux prières et par les conseils de ses féaux sujets Girard d'Athée, Eschivard de Preuilly, Guy Senebaud et Guillaume du Rivau qu'il lui pardonne sa rébellion, à condition qu'il tiendra fidèlement l'accord fait avec eux. Retour à l'accueil Haut de page Dans le même temps, Jean Sans Terre mandait à Girard d'Athée de mettre Barthélémi Savari en possession d'une rente qui lui était due. Ce Barthélémi Savari ne se rattache point à la famille des seigneurs de Colombiers et de Montbazon, mais très probablement à celle qui donna son nom à la seigneurie de l'île Savari, sur les confins de la Touraine et du Berri. Une dernière lettre que le roi d'Angleterre envoya cette année à Girard d'Athée est datée du 2 septembre, et concerne le don d'une rente de 60 sous angevins à la chartreuse du Liget. N'est-ce pas encore par une des voies secrètes de la Providence que Jean Sans Terre, encore souillé du sang de son neveu, faisait une aumône expiatoire dans l'abbaye fondée par son père en expiation du meurtre de Thomas Beckect. Les documents anglais jusqu'ici si nombreux ne nous apprennent rien sur la guerre active qui continua certainement en Touraine pendant le reste de l'année 1203 et les sept premiers mois de l'année 1204, et sur la part qu'y prit le sénéchal de Touraine. Ce fut cependant dès les premiers mois de l'année 1204 et avant que le roi d'Angleterre ait été réduit à la possession des deux seules places de Loches et de Chinon en Touraine, que Girard fit don à la cathédrale de Tours, du consentement de sa femme Louve et de Jean son fils, d'une maison située entre cette église et la tour du roi, c'est à dire à l'emplacement qu'occupent aujourd'hui la Psalette et les autres maisons du même coté jusqu'à la rue de la Caserne. La présence à cette donation de Pierre, évêque de Wincester, nommé à son siège seulement en 1204, ne permet pas de reculer davantage la date de cet acte, comme aussi il serait difficile d'appliquer à une année plus rapprochée de nous cette donation faite par Girard lui-même puisqu'à partir de 1205, il ne reparut plus dans ces contrées. Par des lettres du 29 juillet 1204, dans lesquelles le roi Jean ratifie le don fait par Girard d'Athée en faveur de Jobert, son courrier, d'une rente perpétuelle de 100 sous assignée sur les revenus du roi à Loches. Ces lettres sont adressées au sénéchal de Loches et à tous ses baillis et féaux : on doit en conclure qu'il avait un sénéchal particulier pour la place importante de Loches, indépendamment de Girard qui était sénéchal de la province. Les lettres patentes du 8 août 1204 sont de la plus grande importance, le roi d'Angleterre ratifie les traités faits par ses fidèles Robert de Tourneham, sénéchal de Poitou, Savari de Maulion, Hubert du Bourg et Girard d'Athée, avec ceux qui ont d'abord délaissé son parti et veulent lui faire maintenant un loyal service. Par des lettres non datées, mais qui sont de la même année, le roi mandait à son fidèle sénéchal d'assigner à Rabot et à ses frères des terres et des rentes suffisantes pour leur entretien à son service. Mais tous les moyens humains sont impuissants devant les décrets de la Providence. Philippe-Auguste en est devenu le terrible instrument; tout a cédé devant lui: la Normandie, le Maine, l'Anjou et la Touraine sont entièrement conquis, sauf quelques places fortes qui font encore résistance. Au mois d'août, il s'empare encore de Poitiers et de tout le pays qui l'entoure. Enfin, à l'approche de l'hiver, il vient bloquer Loches et Chinon, les seuls châteaux qui restassent à Jean Sans Terre en Touraine. Dans cette extrémité, le roi Jean n'abandonne pas son fidèle Girard. Par ses lettres closes du 30 novembre 1204, il ordonne au Vicomte de Douvres de fournir aux frères hospitaliers de Jérusalem un bon vaisseau, afin de conduire son trésor à Girard d'Athée, en Poitou. Girard tenait-il la campagne en Poitou? Comme semble l'indiquer ce document; ou bien l'armée du roi resserrait-elle assez le château de Loches pour qu'il ne put profiter d'un aide aussi puissant? C'est ce que nous ignorons. Il est seulement certain qu'il put faire parvenir un message au roi en Angleterre dans le mois de décembre 1204. Retour à l'accueil Haut de page
Quoi qu'il en soit, aussitôt après les fêtes de Pâques de
l'année 1205, Philippe-Auguste, résolu d'achever sa conquête, s'avance à la tête d'une formidable
armée, munie de toutes les machines nécessaires pour battre et renverser les murailles. Quelque fortifié que
fût le château de Loches par la nature et par l'art, et malgré le courage de son gouverneur, Girard d'Athée,
la place ne put résister devant des forces aussi considérables; cependant, les assiégés ne se rendirent
qu'à la dernière extrémité et lorsque la place eut été emportée d'assaut.
La garnison entière, composée de 120 chevaliers et hommes d'armes fut faite prisonnière et conduite en
captivité au chàteau de Compiègne. Le château de Chinon partagea le même sort. Car la prise de
ces deux derniers boulevards du parti des Plantagenets, la sentence de confiscation de la cour des pairs de France reçut
enfin son entier accomplissement.
Jean Sans Terre n'oublia pas dans sa captivité celui qui avait si vaillamment
combattu pour sa cause. D'abord il s'empresse de lui faire passer dans sa prison 40 marcs d'argent pour subvenir à ses
besoins. Puis, adoptant en quelque sorte la famille de son fidèle Girard, il envoie une lettre patente de sauf-conduit
à Louve, femme de Girard d'Athée, et à leurs enfants, afin qu'ils viennent en Angleterre. Ses autres parents
ne sont point oubliés: Girard, neveu de Girard d'Athée, réfugié en Angleterre avec son père,
André de Loches quoique parent plus éloigné reçoivent des secours pécuniaires du roi. Sa munificence
s'étendait jusque sur les compagnons de guerre de Girard: c'est à ce titre que, le 16 mars 1207, il donnait à
Engelas de Cigogné, André, Géon et Pierre de Chanceaux, le Manoir de Hisseburne avec toutes ses dépendances,pour les entretenir à son service.
Enfin le roi charge le maître de la milice du temple, en Angleterre, de
négocier avec Philippe-Auguste la rançon du prisonnier. Par ses lettres-patentes du 14 mai 1206, Jean Sans Terre
propose au roi de France, la rançon de Girard étant fixée à 2,000 marcs d'argent, payables à
la Saint-Jean prochaine, d'accepter le maître des templiers pour caution de 500 marcs que le maître des templiers
paiera à Paris, et qui lui seront remboursés par la cour de l'échiquier, à Londres. Retour à l'accueil Haut de page
Il est à présumer que la réponse de Philippe-Auguste ne fut pas
favorable, puisque Girard d'Athée languit encore dans les fers pendant toute l'année 1207. Il semble que sa femme
et son fils aient voulu rester auprès de lui pour adoucir sa longue captivité et le consoler par leur présence;
ils étaient du moins encore en France dans le mois de septembre 1207, et le roi Jean, plein de sollicitude pour eux, mande
au maître des Templiers, en France, qu'il sera très reconnaissant envers lui, s'il veut bien faire conduire
jusqu'à la mer la femme et le fils de Girard d'Athée. Celui-ci touche enfin au terme d'une captivité qui dura
au moins deux ans et demi. Jean Sans Terre envoya en effet, le 21 septembre 1207, ordre à Regnaud de Cornehill de verser
entre les mains du maître de l'hôpital de Jérusalem, en Angleterre, la somme de 1,000 marcs d'argent de nouveaux
deniers, pour le rachat du prisonnier. Et notification du paiement est faite aux barons de son échiquier par le roi Jean,
afin d'en décharger les comptables. Ce fut probablement le complément de la rançon du fidèle Girard,
puisque dès le mois de janvier de l'année 1208 il est nommé par le roi Jean aux plus hautes fonctions en
Angleterre.
Il est difficile de déterminer d'une manière très précise
quelle fut la somme payée par le roi d'Angleterre pour la rançon de son vaillant serviteur; elle n'était
pas inférieure à 2,000 marcs d'argent, et tout porte à croire, au contraire, que Philippe-Auguste en demanda
une plus considérable. En nous arrêtant cependant à ce minimum, on trouve que ces 2,000 marcs d'argent avaient
une valeur intrinsèque d'environ 104,000 francs. La valeur relative est beaucoup plus difficile à établir;
si on adoptait les calculs de Mr Leber, elle serait de 624 000 francs. Cette dernière valeur me semble quelque peu fabuleuse;
mais, en admettant même qu'elle du être baissée de beaucoup, on voit par le chiffre énorme de sa
rançon à quel haut prix Philippe-Auguste estimait un ennemi dont la haute sagesse aussi bien que la vaillante
épée avaient causé plus d'un échec à son parti. Ici se termine, la période la plus active et la plus glorieuse de la vie de Girard d'Athée. La seconde partie de sa vie s'écoulera sur un autre théâtre, où on le verra comblé d'honneurs et de faveurs par son souverain, et recevant ainsi la juste récompense des sacrifices qu'il lui a rendus.
1208, 5 janvier. Retour à l'accueil Haut de page
1208, 8 janvier.
1208, 18 février.
1208, 6 mars.
1208, 10 mars.
1208, 17 mars.
1208, 17 mars. Retour à l'accueil Haut de page
1208, 23 mars.
1208, 4, 5, 7, 8, 9 et 10 avril.
1208, 19 avril.
1208, 20 avril.
1208, 20 ou 21 avril.
1208, 26 mai.
1208, 22 mai. Retour à l'accueil Haut de page
1208, 23 mai.
1208, 7 septembre.
1208, 21 septembre.
1208, 6 novembre.
1208, 24 et 25 décembre.
1211.
1213, 4 septembre.
1214, 1 janvier.
1215. A partir de cette année 1215, nous ne trouvons plus aucune mention de Girard d'Athée; il est remplacé par son fils jean d'Athée. Celui-ci hérite de la bienveillance que le roi avait toujours témoignée à son père. Il ne réussit pas cependant à occuper les hautes fonctions que la capacité et la fidélité de son père lui avaient méritées à la suite de longues années de service. Par lettres closes du 7 janvier 1216, le roi donne à Jean d'Athée toutes les terres possédées par Simon, fils de Richard, dans les comtés d'Esse, de Belfort, de Cambrige, l'Huntindon et de Norfolk.
1222-1224.
1224. |
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